Anthony Sumiejski

prisonnier de guerre

1888-1918

Photographie sépia d’un homme en habit.

Né à Podsamcze en Pologne le 2 avril 1888, Antony « Anthony » Richard (Antoni Ryszard) Sumiejski a émigré en Nouvelle-Écosse en 1912 et s’est installé à Glace Bay où il a travaillé comme interprète pour la Dominion Coal Company. En 1913, il déménage à Sydney où il a travaillait comme contremaître d’une équipe de fabrication de fils et de clous à l’usine de la Dominion Iron and Steel Company. Naturalisé sujet britannique en 1914, il s’est enrôlé dans le 106e Bataillon (Nova Scotia Rifles) du Corps expéditionnaire canadien en juin 1916 pour traverser en Angleterre le mois suivant. C’était le début d’un périple qui le ramenait en Europe, un périple dont il ne reviendrait jamais.

UNE VIE EN PHOTOGRAPHIES

Explorez la galerie de photographies ci-dessous pour en savoir plus sur la vie de Anthony et son service militaire.

LOIN DU REGARD DES HOMMES
Image en noir et blanc d’un camp de prisonniers de guerre où on voit des groupes d’hommes debout à l’extérieur, entourés de bâtiments militaires et de jardins.

Camp de prisonniers de guerre de Friedrichsfeld, Allemagne, env. 1914-1918.

Les récits historiques de la Première Guerre mondiale mettent souvent l’accent sur l’héroïsme des hommes et des femmes qui ont servi outremer. Des histoires de détermination et de victoire présentent souvent ceux qui ont combattu comme étant braves et généreux dans leur sacrifice pour le Roi et pour l’Empire. Bien que leurs efforts aient donné lieu à des hommages et à de la fierté, ceux qui ont servi n’ont pas tous été célébrés. En réalité, certains ont presqu’été oubliés.

Environ 3 847 Canadiens ont été faits prisonniers pendant la guerre, dont 300 sont morts captifs dans des camps de prisonniers allemands. Ceux qui ont été capturés ou qui se sont rendus ont parfois été décrits comme faibles, et leur incapacité de surmonter l’ennemi a été une source d’embarras qui contredisait les idéaux de puissance et de dignité sur le champ de bataille.

Une fois retirés du théâtre de la guerre, de nombreux prisonniers ont souffert des effets de la maladie, de la négligence, de la faim, de la torture et d’un travail exténuant. Ces hommes ont subi de tels tourments dans l’espoir d’un jour revenir à la liberté, notamment Anthony Sumiejski de Pologne qui avait émigré au Canada avant la guerre en quête d’une vie meilleure.

SEPT UN SIX DEUX CINQ TROIS
Photographie en noir et blanc d’une file de soldats en uniforme portant des carabines et marchant au pas le long d’une route de campagne.

Soldats du 25e Bataillon du Corps expéditionnaire canadien, env. 1914-1918.

Anthony avait 28 ans et travaillait à l’aciérie de Sydney quand il a quitté Sydney pour se rendre à Truro s’enrôler dans le 106e Bataillon (Nova Scotia Rifles) en juillet 1916 (no de régiment : 716253). Après avoir servi plusieurs mois en Angleterre, il fut éventuellement transféré au 25e Bataillon au mois de novembre 1916 et envoyé en France.

L’année suivante, il a pris part à la Bataille de la crête de Vimy le 9 avril 1917. Dans une lettre à son ami Robert Hubley neuf jours plus tard, Anthony exprimait son soulagement d’avoir survécu à la bataille et se réjouissait de la victoire canadienne. Mais sa chance et son allégresse seraient de courte durée. Dans un revirement tragique, moins de trois semaines plus tard, Anthony a été capturé par les Allemands pendant que le 25e Bataillon était en action lors de l’Attaque sur la boucle d’Arleux dans le Nord de la France le 28 avril 1917. Plus tard, il allait décrire ce jour comme « la journée la plus malencontreuse de ma vie », ajoutant « mais ma santé et mes espoirs me ramèneront à nouveau vers le bon vieux Canada dans mon cercle d’amis ». Anthony a officiellement été porté disparu après sa capture, mais il s’écoulerait des mois avant que l’on sache où il se trouvait.

Visionnez des extraits du dossier de service du Corps expéditionnaire canadien d’Anthony.

À JAMAIS, ANTHONY
Carte postale sépia envoyée d’un camp de prisonniers de guerre où on voit un texte écrit à la main et des renseignements postaux.

Correspondance depuis le camp de prisonniers de guerre de Friedrichsfeld, Allemagne, 1918.

À Jamais, Anthony

Ce n’est que le 31 août 1917 qu’on a su qu’Anthony était prisonnier de guerre dans un camp allemand à Limburg, une petite ville au nord-ouest de Francfort. Limburg n’était qu’un camp de détention temporaire et, le 24 novembre 1917, on a confirmé qu’il avait été transféré au camp de Friedrichsfeld pour prisonniers de guerre, à environ 100 kilomètres au nord de Cologne, à 5 kilomètres de la ville de Wesel, à côté d’un camp d’entraînement allemand. Le camp de Friedrichsfeld était un camp énorme où on hébergeait environ 35 000 prisonniers issus des armées alliées. POUR EN SAVOIR PLUS…

Le YMCA des États-Unis qui avait beaucoup œuvré au sein des camps de prisonniers de guerre allemands considérait que le camp de Friedrichsfeld était l’un des moins pires sur le plan des conditions en général. Il y avait un problème d’alimentation, mais cela découlait de la grave pénurie d’aliments en Allemagne à cette époque, plutôt que d’une politique délibérée. On y allouait de l’espace pour les sports et le jardinage, et il y a avait une section pour la buanderie et des salles de douche pour les prisonniers. Le camp était également reconnu pour ses spectacles de théâtre et de divertissement produits par les prisonniers. Malgré la bonne réputation de Friedrichsfeld aux yeux du YMCA, nous ne savons pas en réalité comment Anthony a été traité, ni s’il fut traité différemment des autres prisonniers parce qu’il était un polonais allemand qui combattait pour l’adversaire.

La correspondance d’Anthony avec Robert Hubley est pleine de rappels qu’il se portait bien, malgré la faim et l’absence de nourriture. Il demandait souvent à Robert des colis réconfort pleins de délices du pays, colis dont la Croix-Rouge facilitait la livraison et qu’elle distribuait aux prisonniers de guerre. La correspondance faisait l’objet d’une censure, et le courrier (tant du Canada que vers le Canada) pouvait prendre des semaines (et parfois des mois) avant d’atteindre son destinataire. Anthony a souvent fait des commentaires sur la solitude engendrée par ces délais, et il écrivait souvent à ses amis dans l’espoir d’avoir des nouvelles de Sydney. Sa situation a semblé s’améliorer après un certain temps et, malgré la difficulté des circonstances où il se trouvait, un optimisme persistant transparaît dans sa correspondance, ainsi que l’espoir qu’il reviendrait éventuellement au Canada. Malheureusement, son rêve de liberté ne se réaliserait jamais.

Consultez les enregistrements dans la galerie ci-dessous pour plus d'informations sur la capture et l'emprisonnement d'Anthony.

«Mon dernier souhait, c’est que vous pensiez à moi pendant mon absence comme si j’étais parmi vous»
Il s’agit d’une lettre en couleur sépia où on voit une adresse dactylographiée pour un prisonnier de guerre en Allemagne.

Adresse pour rejoindre le soldat Anthony Sumiejski, prisonnier de guerre, à Friedrichsfeld, Allemagne, env. 1918.

De nombreux immigrants récemment arrivés au Canada, surtout en provenance de l’Europe de l’Est et du Sud, ont servi à la guerre. Cela signifie que des soldats se battaient contre des hommes de leur ancienne mère-patrie. Ces immigrants faisaient partie de la formidable vague d’immigration qui a précédé la guerre pendant environ vingt ans, alors que la population du Canada a augmenté d’un tiers malgré l’émigration continue des Canadiens vers les États-Unis. La Dominion Steel and Coal Company et la Nova Scotia Steel and Coal Company ont accueilli cette vague d’ouvriers, et en a même recruté quelques-uns. La région industrielle de Sydney qui connaissait alors la croissance la plus rapide des Maritimes était, en 1914, la région la plus multiculturelle de l’Est du Canada. POUR EN SAVOIR DAVANTAGE

Plusieurs personnes entretiennent encore cette impression inexacte que les années d’avant-guerre étaient stables et calmes comparativement à ce qui a suivi. La dernière partie du dix-neuvième siècle et le début du vingtième ont été des périodes d’une colossale instabilité, avec d’importants déplacements de populations et une agitation sociale grandissante. Cela était tout aussi vrai en Nouvelle Écosse et au Cap-Breton qu’ailleurs au pays. Les conditions de vie et les conditions de travail étaient épouvantables, et tous n’accueillaient pas les étrangers avec leurs langues « bizarres » et leurs traditions sociales différentes.

Le soldat Anthony Richard Sumiejski étaient l’un de ces nombreux jeunes hommes qui ont fui la pauvreté et souvent la persécution en Europe de l’Est pour se bâtir une nouvelle vie au Canada; ils se sont battus moins pour le « Roi et l’Empire » que pour démontrer leur volonté de faire leur devoir en tant que nouveaux citoyens dans leur combat pour se faire accepter dans une société pas toujours des plus accueillante. Les souffrances et la mort d’un si grand nombre de jeunes hommes dans ce qui fut en réalité une guerre non nécessaire constituent une tragédie qui vient encore nous hanter.

«Puissent ceux qui suivront s’assurer que son nom ne sera pas oublié»
Il s’agit d’une photographie en noir et blanc d’un camp de prisonniers de guerre en Allemagne durant la Première Guerre mondiale. On voit des douzaines d’hommes en uniforme en train d’effectuer des travaux manuels à la pelle.

Camp de prisonniers de guerre de Friedrichsfeld, Allemagne, env. 1915.

Anthony a été prisonnier au camp de Friedrichsfeld pendant plus de sept mois, avant de mourir le 2 mai 1918. Les documents de son dossier de service militaire indiquent comme cause de décès « faiblesse cardiaque / hydropisie ». Un journal de la Nouvelle-Écosse a rapporté que son « décès était dû à une faiblesse cardiaque et à une hydropisie, décès qui aurait pu être hâté par un traitement barbare de la part de ses geôliers étant donné, qu’ayant déjà été citoyen allemand, il avait combattu contre l’Allemagne ». Ce compte-rendu est toutefois spéculatif, et les circonstances précises de son décès ne peuvent être confirmées.

Anthony a d’abord été enterré dans le cimetière du camp à Friedrichsfeld, mais sa dépouille fut plus tard transférée au cimetière communal de Condé-sur-Escaut dans le Nord de la France, à la frontière de la Belgique. Son histoire reste importante pour deux raisons : il avait récemment immigré en Nouvelle-Écosse quand il s’est volontairement enrôlé pour servir dans la Première Guerre mondiale, et il a été l’un des 3 847 officiers et hommes enrôlés du Corps canadien qui ont été capturés pendant la guerre.

Consultez les enregistrements dans la galerie ci-dessous pour plus d'informations sur la mort d'Anthony.

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